Durant des années, on nous a répété que manger des graisses saturées était mauvais : nous allions devenir obèses et faire une crise cardiaque. Alors on nous a vendu des produits allégés, sans matières grasses, de la margarine, et du jambon sans couenne.
Voyant que l'obésité et les maladies du cœur ne disparaissaient pas (bien au contraire), les scientifiques sérieux ont révisé les bases de la nutrition.
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Pourtant, nous aurions dû nous en douter :
Savez-vous quelle « sauce » accompagne le poisson cru dont s'alimentaient les Inuits, un peuple qui ne connaissait pas les maladies du cœur avant le siècle dernier ?
Ils mangeaient leur poisson cru entier tout en se léchant les doigts préalablement trempés dans un bol de graisse de phoque liquide !
Malgré tout, peu de gens sont capables de boire un verre d'huile d'un coup. Mettez votre entourage au défi. Ils vont tous prendre une mine dégoûtée.
Les graisses saturées sont indispensables pour la santé. Votre corps en a besoin pour fonctionner de façon optimale. Elles assurent un grand nombre de fonctions importantes, dans le cœur, les
poumons, les os, le foie, le système immunitaire. Elles sont nécessaires pour fabriquer vos hormones et des membranes de vos cellules.
Enfin, les graisses régulent le sentiment de satiété. C'est pour cela que les régimes pauvres en graisses provoquent une faim continue – difficile à ignorer sur le long terme.
En 2010, une vaste étude, portant sur plus de 347 000 personnes, n'a relevé aucun lien entre la consommation de graisses saturées et le risque d'infarctus, d'attaque vasculaire cérébrale (AVC) ou d'autres maladies du cœur [1].
Une autre étude a montré que les personnes qui souhaitent diminuer leur risque de maladies du cœur ne doivent pas diminuer leur consommation de graisses, mais plutôt réduire celle de glucides, dont les féculents et l'amidon (le pain, les pâtes, les céréales, y compris complètes) [2]. Ceux qui diminuent leur consommation de graisses saturées et les remplacent par des glucides raffinés (pain blanc, pâtes, pomme de terre) augmentent leur résistance à l'insuline, leurs problèmes de poids, leur niveau de triglycérides et de cholestérol.
Les vrais coupables
Aujourd'hui, les lecteurs bien informés, comme vous, savent que les vrais coupables dans l'alimentation sont le sucre et les glucides, et non les graisses. Vous savez aussi que les graisses sont bonnes dans leur ensemble, mais que leur composition propre varie énormément.
On ne présente plus l'huile d'olive.
Certes, vous retrouverez encore un filet d'huile d'olive sur une salade ou une tomate. Mais les gens en pointe de la cuisine diététique ne parlent plus que d'huile de coco, de saindoux (de porc), de graisse de canard, d'oie et de bœuf (suif) pour la cuisson [3].
Pourquoi sont-ils allés dénicher ces graisses « saturées » bizarres ?
Un acide gras « saturé » a tous ses atomes de carbone liés au nombre maximal d'atomes d'hydrogène. Chaque liaison carbone est occupée, et on ne peut plus ajouter d'autres
atomes.
Par conséquent, l'acide gras saturé est plus stable, et moins susceptible de s'oxyder. C'est une très bonne chose car les graisses oxydées sont plutôt mauvaises pour la santé.
Voici une astuce simple pour reconnaître les graisses saturées : elles sont solides à température ambiante.
Attention néanmoins à ne pas les confondre avec les huiles hydrogénées (composées de graisses insaturées) comme la margarine. Ces huiles naturellement liquides ont été bombardées d'hydrogène pour les rendre solides, ce qui accroît leur durée de vie et facilite leur transport. Elles ne sont pas chères, pas bonnes pour la santé, et sont utilisées partout dans l'industrie agro-alimentaire : plats préparés, biscuits, confiseries, chocolats, viennoiseries, pâtes à tarte, céréales (y compris en barre), etc [5].
Les graisses saturées sont idéales pour la cuisson
Les graisses saturées sont les plus saines pour cuire – à condition de ne pas les faire fumer.
Pour mettre les choses en perspective, l'huile d'olive ne contient que 14 % d'acides gras saturés, alors que le saindoux en contient 48 %, le beurre (y compris clarifié) 68 %, l'huile de palmiste 82 % [4], et l'huile de coco 92 % !
Cela veut-il dire qu'idéalement, il faudrait n'utiliser que de l'huile de coco ?
C'est vrai. L'huile de coco est vraiment exceptionnelle. D'abord, sa composition est peu commune : c'est une graisse quasi pure. Elle contient 0 g de glucides, 0 g de minéraux, 0 g de protéines, et quelques traces de vitamine E.
À la différence des graisses animales, elle est composée d'une quantité inhabituelle d'acides gras à chaîne moyenne. Leur particularité est qu'ils sont facilement utilisés par notre organisme pour fournir de l'énergie.
Malgré toutes ses qualités, je n'utilise l'huile de coco que très rarement. Je trouve son parfum très (trop) prononcé pour la plupart des plats.
Bien entendu, pour la cuisine asiatique elle est parfaite. Mais je n'en mange pas si souvent.
Pour la pâtisserie, l'huile de coco passe encore. Son goût légèrement sucré se dissimule bien. Mais j'essaie de limiter les pâtisseries – qui sont souvent trop sucrées.
La réalité est que je mange « à l'européenne », et que l'huile de coco n'y a pas du tout sa place. L'Europe, c'est le beurre, le saindoux, le suif, et la graisse de canard. Et ces graisses donnent une saveur irremplaçable aux œufs au lard, aux röstis de pommes de terre, aux frites, et à la volaille rôtie.
C'est bien simple, les œufs aux lards cuits dans l'huile de coco me donnent la nausée.
Or toutes les graisses animales si chères à nos ancêtres ont subi une campagne de dénigrement sans précédent au profit de la margarine. On sait aujourd'hui que ces attaques étaient injustifiées, et que les graisses animales sont bien meilleures que le public ne le croit (même si aucune ne peut vraiment rivaliser avec l'huile de coco). Mais personne n'est là pour réhabiliter le saindoux, la graisse de canard, et le suif. Et je trouve ça dommage car elles donnent une saveur inimitable à nos plats régionaux.
Vous, cher lecteur, vous savez très bien que laisser griller des aliments dans la friture disperse des radicaux libres dans votre corps, qui, à la longue, accélèrent le vieillissement de l'intérieur. C'est pourquoi vous surveillez votre alimentation, et il est très rare que vous cuisiniez dans l'huile bouillante.
Alors pour les rares fois où vous vous faites plaisir en préparant par exemple une cuisse de canard confite… ne vous infligez pas la punition de cuisiner dans l'huile de coco – ça serait trop triste. Vous n'obtiendrez jamais la même saveur qu'avec de la graisse de canard.
Manger devrait être un plaisir, non une punition.
Bien à vous,
Eric Müller
Sources :
[1] Am J Clin Nutr. 2010 Mar;91(3):535-46. doi: 10.3945/ajcn.2009.27725. Epub 2010 Jan 13. [2] Am J Clin Nutr March 2010 vol. 91 no. 3 502-509 [3] Why You Need to Eat More Lard (And These 5 Other Healthy Fats) |